On déplore dans ce blog le manque d’utilisation des correcteurs, visible dans la façon dont sont publiés en ligne des textes pour le moins perfectibles. Mais on pourrait aussi parler de la disparition des traducteurs professionnels, qui accentue les risques d’erreurs dans les textes.

Ouest France publie un « long entretien » avec Dave Goulson, un spécialiste des pollinisateurs, qui laisse entrevoir quelques difficultés liées à la traduction.

 L’impression générale d’un texte mal traduit se fait tout de suite sentir. Le texte est compréhensible, mais il n’est pas fluide. Un traducteur est un quasi-auteur, ce n’est pas un hasard si de nombreux auteurs sont traducteurs et vice versa.

Ce manque de naturel, le titre l’illustre bien : « Le monde ne fonctionnera pas sans eux » Fonctionner peut s’écrire ici, mais dans une version plus fluide, on aurait pu écrire « Le monde ne pourra se passer d’eux », par exemple.

Dans le chapeau, il est écrit : « Les insectes représentent 70 % des espèces vivantes »

Ce choix de présenter un pourcentage se veut percutant et objectif. Mais un pourcentage est toujours discutable. A propos des insectes, le Muséum national d'histoire naturelle, (MNHN) précise que « cette grande famille apparue il y a 400 millions d’années […] représente 80 % des espèces animales ». De son côté, Wikipédia avance que « les insectes constituent 55 % de la biodiversité des espèces et 85 % de la biodiversité animale (définie par le nombre d'espèces) ».

Tous ces chiffres nous invitent donc à préciser de quoi on parle : de toutes les espèces ou des seules espèces animales ? Ce pourcentage se réfère-t-il au nombre d’espèces ou aux populations totales des espèces ?

Dans ce paragraphe, toujours cette impression pesante d'une traduction mot à mot, dans la question comme dans réponse. Et quand ce n"est pas la construction, c'est le vocabulaire qui fait tiquer : « la « boîte à lunch » est plus british que la boîte à repas mais moins que la lunchbox chère au cinéaste Ritesh Batra. Mais ce qui gêne ici, surtout, ce sont ces différents temps bien mal assortis.

Là encore, c’est bancal. On dirait plus facilement : « En devenant adulte, les gens prennent peur des insectes. »

Si on compare le texte d'Ouest France à une interview du même Dave Goulson parue dans Libération au printemps dernier, la différence d’éditorialisation saute au yeux :